Climat, le grand souk

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

L’été s’est installé dans les journaux avec les titres anxiogènes habituels. La forêt brûle un peu partout, puis surviendront les inondations. Au climatoscepticisme de naguère succède l’alarmisme apocalyptique. Il n’est plus d’atteinte à la nature qui ne soit pas liée au changement climatique. La température vient-elle à tutoyer la barre des 35 degrés pendant un jour ou deux? Canicule! hurlent en chœur les médias. Comme si la chaleur en été n’avait jamais été la règle!

Des catastrophes récentes en Suisse romande n’ont pourtant rien à voir avec le changement climatique. A Vétroz, l’explosion d’une halle couverte de panneaux solaires pollue toute une région. Les herbages sont déclarés impropres au broutement mais « il n’y a pas de victime », titre la presse, comme si ce constat réglait l’affaire. Mystérieusement, aucun indice ne permet pour l’heure de déterminer l’origine du sinistre. A Genève, une école brûle, sans que l’enquête ne révèle quoi que ce soit de rassurant. Une piste criminelle est évoquée. Cours d’eau mythique, la Venoge est parfois polluée, vidée de ses habitants, les truites aux formes généreuses. Sait-on seulement qui est à l’origine du délit? Il n’y a pas de mots pour désigner des actes aussi vils, même si parfois ils ne sont dus qu’à la négligence.

Il n’est hélas guère nouveau qu’aucun tribunal ne vienne sanctionner l’irresponsabilité ambiante. Dans l’affaire du naufrage du Prestige, au large des côtes françaises, il aurait fallu traîner le propriétaire du rafiot devant la Cour de la Haye. Parce qu’il avait osé le suggérer dans ces mêmes colonnes, le soussigné fut aussitôt rabroué par un lecteur, choqué devant ce qu’il estimait être des propos d’une sévérité excessive.

Autant dire que la dichotomie existant entre cette indifférence, ce laxisme apparents, et la doxa écologiste qui appelle les populations à économiser l’eau et l’électricité incite à considérer avec une certaine circonspection les consignes officielles telles que les relaient les médias, comme lors de la votation sur la loi sur le climat. La reconnaissance d’un lien de cause à effet entre le laisser-faire économique et les dérèglements sociaux et environnementaux constitue certes un progrès mais elle tient moins à une prise de conscience, disons, culturelle, qu’à une récupération du discours écologique par l’économie. L’éolien, le solaire deviennent rentables, à tel point qu’ils envahissent nos monts immaculés. Il est jusqu’au nucléaire pour connaître une nouvelle carrière grâce à son image d’énergie « propre ». Oubliés, Tchernobyl et Fukushima. Domine le sentiment que personne n’est mort, foudroyé par les radiations. On oublie que le cancer n’est pas forcément un mal décelable dans la foulée d’événements tels qu’une fuite de radioactivité.

La nocivité écologique des guerres n’est pas davantage prise en considération dans ce grand souk de la manipulation des comportements domestiques. Livrer des armes à l’Ukraine, faire sauter des gazoducs, ces actions ne méritent aucune réprobation, alors qu’elles souillent la terre en plus d’attenter à l’intégrité de la vie. A quoi cela sert-il d’organiser des conférences sur le climat si, parallèlement, les gouvernants ne font rien pour tempérer les ardeurs belliqueuses entretenues par les marchands d’armes? La contradiction peut être étendue à maintes autres initiatives ou contraintes initiées au nom de la protection de la planète. Quel sens y a-t-il à demander aux propriétaires de jardin de ne plus arroser si les piscines des voisins sont pleines à ras bord? Saviez-vous qu’il y en a une (de piscine) pour 50 habitants à Genève?