Malgré les intimidations, des dizaines de milliers de Péruviens manifestent à Lima


PAR PIERRE ROTTET

Le congrès et le gouvernement Boluarte ont tout fait pour empêcher la marche nationale des indigènes, mercredi 19 juillet, à commencer par les intimidations et les menaces. Mais ils ont perdu la bataille de la rue. Comme ils avaient déjà perdu celle de l’opinion, avec plus de 90% des citoyens réclamant qu’ils “dégagent” et de nouvelles élections. Sûr que le gouvernement ne s’attendait pas une mobilisation d’une telle ampleur. Une manifestation massive et pacifique, estime jeudi « La Republica ».

Nouvelle journée de manifestions au Pérou contre le gouvernement et le congrès. 21’000 selon le ministère de l’intérieur pour la seule ville de Lima – 2 à 4 fois plus selon les observateurs, chiffres impossible à vérifier. Des milliers d’indigènes des hauts plateaux, de la Sierra, du nord au sud et de l’est à l’ouest du Pérou ont bravé le 19 juillet les interdits dans les rues de Lima. Mais aussi dans celles des principales villes du pays. 

A notre connaissances, aucune victime n’est à déplorer, malgré les violents assauts des militaires et policiers – parfois débordés – pour repousser les manifestants aux portes du congrès (notre image capture d’écran). A coups de matraques et de lacrymogènes. Auxquels ont répondu quelques manifestants, à coups de pierre quelquefois. Jamais au-delà, contrairement à se que prétendent certains canaux de TV pour délégitimer les indigènes dans leurs revendications et faire accroître l’idée que les violents ce sont eux…

Prise citoyenne du centre de Lima, mais prise aussi des principales villes du pays. 25 régions péruviennes, pour le moins, selon des informations obtenues par Infoméduse de source sûre, au milieu d’infos et de désinformations virales, ont bravé mercredi les interdits anticonstitutionnels du gouvernement illégitime de Dina Boluarte.

Des milliers de manifestants pacifistes, indigènes d’obédience quechua et aymara ont bravé les menaces guerrières et de répression des forces armées, militaires et policières, à Lima et dans les régions de la Sierra et des Andes. Les «marcheurs» ont bravé les quelques 24.000 hommes armés jusqu’aux dents.

Selon un document rendu public jeudi, parvenu à «La Republica», le gouvernement a acheté y a quelques semaines quantité d’armes supplémentaires. Quelques jours avant la troisième «prise de Lima» par les indigènes, le Premier ministre Alberto Otàrola avait quant à lui donné le ton dans une déclaration guerrière, enjoignant les autorités, les forces armées militaires et policières, à «appliquer l’usage de la force».

Durant ces derniers dix jours, le gouvernement Boluarte n’a cessé de multiplier les menaces et les intimidations à l’encontre du monde indigène. Vendredi dernier, une marche de troupes policières et militaires a semé le chaos dans certaines avenues de Lima. Une armada d’hommes porteurs d’armes de guerre. Une démonstration de force destinée à intimider les «marcheurs». Ces derniers réclament encore et toujours la destitution de la présidente Dina Boluarte, du gouvernement ainsi que la dissolution d’un congrès mercenaire.

Durant quasiment huit mois, écrit «La Republica» en ce mercredi de Marche nationale, ce gouvernement a «attenté contre le bien le plus précieux: la vie humaine. 70 de nos compatriotes sont morts, dont 49 tués par balles par les forces policières et militaires. Ce gouvernement prétend en outre imposer l’impunité face à cette barbarie».

Voix courageuse dans une vague de désinformations sans précédent dans la plupart des médias péruviens, lesquels assimilent les manifestants indigènes à des « terrucos », des terroristes. Pour sa part, le quotidien limeño fustige le gouvernement de Dina Boluarte. «Un gouvernement qui n’a eu de cesse de tenter de violer les libertés individuelles et collectives » sous prétexte de protéger l’ordre.

L’éditorialiste du quotidien rappelle en effet que la présidente Boluarte a interdit, via des décrets signés à la hâte, les droits les plus élémentaires en démocratie: les libertés de réunion, d’expression, de manifestation et de libre circulation. Sans compter la décision du 17 mai de la Cour suprême du Pérou, aux bottes du pouvoir, d’interdire les manifestations citoyennes, piétinant ainsi la Constitution péruvienne. 

Voix encore inaudible depuis le début des affrontements à mi-décembre 2022, le cardinal Pedro Barreto, archevêque de Huancayo, importante ville de la Sierra, s’en est pris mercredi à la présidente Boluarte: «Cette marche et ces protestations sont une exigence pour une vie digne. Il est inadmissible qu’elle ne reconnaisse pas la légitimité de ce mouvement» a-t-il déclaré, fustigeant par la même occasion la locataire du Palais présidentiel pour qui cette marche représente «une menace pour la démocratie». La réponse du berger à la bergère ne s’est pas fait attendre… «Chaque discours de cette dame empire et aggrave la situation, commente Mirtha Vàsquez, Première ministre de 2021 à 2022, militante écologique et féministe. 

Reste qu’au delà des manifestations, des violences et d’une démocratie bafouée, un autre spectre hante depuis quelque temps les tenants du pouvoir: l’étranglement de l’économie. Selon Catherine Eyzaguirre Morales, économiste, le Pérou est maintenant entré en récession, cela après 8 mois de ce gouvernement. La faute aux protestataires, botte en touche le titulaire du Conseil des ministres, Alberto Otàrola. La réponse lui parviendra jeudi, avec le prolongement de la «Tercera toma de Lima », annoncée jeudi après-midi 20 juillet. Fait à signaler, de nombreux limeños, pour la première fois, se sont joints aux indigènes. Boluarte a du souci à se faire…

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