PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Merci de m’avoir interpellé, cher lecteur – par ailleurs ami!
Suite à mon éditorial du 20 novembre 2023 sur les événements tragiques au Proche-Orient, vous m’avez adressé la remarque suivante dans l’espace des commentaires: « Et pourquoi ne pas déclarer qu’infoméduse est un journal d’opinions avec un “s” à la fin du mot ? Cela ferait toute la différence et chacun y trouverait son compte… ».
Oui, merci, car vous m’offrez ainsi l’occasion de revenir sur un thème qui m’est cher: la presse d’opinion. Et ceci me permet de vous répondre tout de go: ajouter un « s » à la fin du mot? Alors là, non!
Car, voyez-vous, adossé de cette manière, le pluriel n’a aucun sens. Réceptacle des émotions de la collectivité, tout journal, quelle que soit sa vocation, est déjà en soi un condensé d’opinions allant dans toutes les directions.
Non, la presse d’opinion, c’est autre chose. Loin du cumul d’idées souvent contradictoires, elle s’affirme dans une ligne éditoriale bien définie. Au tournant des années 1970, le modèle journalistique anglo-saxon privilégiant l’investigation et le reportage a relégué au rayon des invendus cette presse au ton partisan donc louche car synonyme d’endoctrinement.
Conditionnée par l’aveuglement médiaphage d’un grand groupe de presse, la Suisse romande a perdu progressivement tous ses journaux d’opinion dans la presse papier. Disparu le “Journal de Genève”, disparue la “Gazette de Lausanne”, disparue la “Nouvelle Revue de Lausanne”, disparu “Domaine Public”, aurait chanté Gainsbourg. Restent une poignée de titres réalisés par des professionnels du journalisme tels Gauchebdo, successeur de feu le quotidien communiste la “Voix Ouvrière”, ou l’excellent hebdomadaire chrétien “Echo Magazine”. Une évolution d’autant plus regrettable qu’en France, en revanche, la presse d’opinion tient bon. Tant le “Figaro” que “Libération”, pour ne prendre que deux exemples, disent qu’ils sont des journaux d’opinion.
Le propre de la presse d’opinion est de ne pas cacher son orientation politique, économique, sociale ou religieuse. Dans le livre « info popcorn », co-écrit avec Richard Aschinger et paru en 2010 aux Editions Eclectica, l’auteur de ces lignes lui consacre un petit hommage dont voici un extrait:
Parce qu’il affiche la couleur sans détours, le journal d’opinion reflète l’honnêteté. Défendre des idées, proclamer sa foi, s’engager en faveur d’une cause sont autant d’attitudes qui retrouvent du panache auprès du public.
Dans le contexte de la crise des médias que nous connaissons, et qui s’aggrave hélas chaque année, ce journalisme « plus intimiste, plus près des gens » pourrait-il s’avérer le sauveur de la presse? Sans doute, concluai-je dans l’ouvrage précité. Ajoutant que la démocratie ne serait pas perdante. Tant qu’à faire.
Merci, et j’ajouterai que si la presse d’opinion disparaît, avec elle a disparu l’esprit critique et la recherche approfondie des sujets, au profit d’un copié-collé des dépêches AFP… Cet élément m’avait frappé lorsque mon cousin Philippe Pozzo di Borgo était décédé, et que, le lendemain, il y avait, à par un ou deux hommages particularisés, une demi-douzaine de reprises, sans modifications. Pour un homme de sa stature, c’est tout ??? MW
Finalement nous sommes d’accord: un journal d’opinion peut refléter des avis de plusieurs natures tout comme une enquête d’opinion cherchera à analyser des avis différents.
Le “s” ne se justifie donc pas à la fin du mot “opinion”…
Il me semble que cet intéressant éditorial eût pu, en se limitant au champ politique romand, citer notamment l’Essor, La Nation, SolidaritÉs, et je crains en avoir oublié.
Tout à fait, merci pour ce complément d’information! L’existence de ces titres qui subsistent envers et contre au milieu de la tempête fait chaud au coeur. La preuve que la presse d’opinion n’a pas dit son dernier mot, au contraire.
Très bon article!