Comment j’ai échappé, de justesse, à la mort


PAR YANN LE HOUELLEUR, Gennevilliers en banlieue parisienne

Avez-vous déjà rencontré des licornes ? La chance et la malchance tout à la fois m’ont permis d’avoir affaire à ces animaux légendaires et fabuleux qui ont tant fasciné les artistes et les poètes. Mais dois-je préciser, « mes licornes » à moi avaient non point le corps d’un cheval mais celui d’un être humain. Elles étaient en réalité des femmes dont les cheveux avaient été noués de manière à former un chignon d’une hauteur démesurée ressemblant à la corne d’une licorne. D’une voix douce, elles me disaient de rester tranquille alors qu’elles recousaient mes lèvres apparemment déchirées et déformées. Le soleil saupoudrait d’or et de bronze la salle où nous étions réunis. Puis je me suis éclipsé. Sur une plage attenante à Copacabana, un jour de pluie, j’ai rencontré des amis que j’avais fréquenté lorsque j’étais journaliste au Brésil, parmi lesquels Paulo qui m’avait hébergé pendant une année. Mais ça ne suffisait pas : mon périple se poursuivit dans un village resserré autour d’une église baroque, sur une île. Je cherchais une chambre d’hôtel.

En réalité, Je m’étais mis à délirer alors que des réanimateurs, et non des licornes, me trituraient la bouche après m’avoir copieusement anesthésié. Les médecins se décidèrent à faire une incision chirurgicale de la trachée au niveau de la pomme d’Adam afin d’y introduire un « appareil » destiné à nettoyer les poumons. J’ai échappé de peu à la mort.

Quatre bactéries – C’est aussi à mon colocataire et frère de cœur, Philippe, que je dois la vie. « Tu serais mort si je n’avais pas appelé, à temps, le Samu » (Service d’aide médicale d’urgence). Nous étions le 5 janvier, en matinée. J’étais assis sur un canapé, en train de regarder les infos sur CNews.  Philippe, un ancien pompier, s’est aperçu que je haletais et que je parlais de manière précipitée. « J’ai pris ton pouls: c’était 180 pulsations par minute contre 80 habituellement. Il faut bien voir que le cœur s’emballe quand l’oxygène vient à manquer. »

Par la suite, des médecins et des infirmiers m’ont garanti que ce sauvetage était, indéniablement, un miracle.

J’ai vraiment vu la mort de très près ; souvenez-vous des licornes… Un moment pas si désagréable que cela, l’entrée dans un monde régi par une certaine douceur, comme si on s’enfonçait dans du coton.

Il a fallu plusieurs jours, allongé sur un lit, dans le service Réanimation de l’hôpital Louis Mourier, avant que je ne prenne conscience du désastre survenu. (L’immense hôpital Louis Mourier se trouve à Colombes, dans la banlieue de Paris.) « Vous avez subi une agression très grave ; quatre bactéries se sont introduites en vous et elles ont causé une détresse respiratoire », a expliqué la doctoresse en charge de mon évolution. « Cet hiver, nous accueillons beaucoup plus que les autres années des patients atteints d’affections respiratoires ; il y a plein de bactéries et de virus qui traînent par ci par là. »

J’étais nourri par le biais d’une sonde alimentaire. De l’oxygène m’était fourni : assistance respiratoire (ventilation) et une canule de trachéotomie m’empêchait de parler.

Un mois plus tard, considérant que mon état de santé était stabilisé, cette doctoresse m’a annoncé qu’il était temps de me transférer dans un hôpital spécialisé notamment dans la rééducation.

Le 5 février, une ambulance m’a emmené à l’hôpital Fortilles, à 70 kilomètres de « ma » ville (Gennevilliers), au fin fond de la Seine-et-Marne, le plus vaste département de la région Ile-de-France. Une équipe médicale renforcée, comprenant des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes, m’a accueilli. La canule placée au niveau de la pomme d’Adam à été ôtée. Quel soulagement ! Je pouvais à nouveau manger ; cela m’avait tant manqué.

Remise sur pied – Le plus dur restait à entreprendre : réapprendre à marcher. Miracle: fin février j’ai retrouvé, au cours d’une séance de kinésithérapie, l’usage de mes jambes. Et tout est allé plus vite que prévu. J’avais la rage de renouer avec une indispensable « mobilité » et je savais que je serais libéré si j’arrivais à prouver que j’étais capable de me déplacer tout seul. Instinct de survie, une fois de plus.

Foudroyante remise sur pied. Alors survint la récompense attendue : retour à mon domicile le 5 mars. Un taxi m’a ramené à Gennevilliers (une ville en banlieue, à cinq kilomètres de Paris). Un voyage aux frais de la princesse, la Sécurité sociale, dont j’ai contribué, à mon grand regret, au déséquilibre financier. J’avais le printemps dans les veines : alors que des prunus injectaient dans le ciel des couleurs pastel, en premier lieu du rose bonbon. Il me fallait, à mon tour, faire refleurir en moi l’espoir et l’envie d’affronter l’inconnu. « La réanimation, ça tue », me disent des amis. Je me souviendrai longtemps des paroles réconfortantes d’une infirmière : « Vous n’êtes en rien responsable de ce qui vous est arrivé. Si la mort n’a pas voulu de vous, c’est parce que vous avez encore du chemin à faire.

Certes, l’hôpital est un cocon par certains aspects rassurant auquel on finit par s’habituer. Les patients sont tout à la fois maternés mais aussi, parfois, infantilisés.

A l’hôpital Fortilles, le plus dur restait à entreprendre : réapprendre à marcher. Photo DR

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