Monde, pronostic vital engagé


PAR MICHEL SANTI

Ce sont toujours les sempiternelles questions qui nous tourmentent lorsqu’une bulle implose et fait des ravages humains, économiques, écologiques: comment en est-on arrivé là ? Que s’est-il passé ? Notre monde se retrouve aujourd’hui dans une situation critique et sans trop de précédents historiques car nous sommes désormais tous otages de bulles multiples et à répétition.

Celle qui isole les gouvernants, la surchauffe des bourses pulvérisant jour après jours leurs records historiques de hausse et ce dans une fuite en avant morbide, la bulle immobilière, celle des inégalités aberrantes que seule une guerre ou une révolution seraient susceptibles de résorber… Une malédiction infecte notre univers contemporain car, de fait, l’implosion d’une bulle déplace mécaniquement la fièvre sur un autre champ, non sans avoir dévasté autant la classe moyenne que les plus vulnérables de nos concitoyens, comme d’habitude.

Pour la toute première fois dans la longue histoire de notre présence sur cette planète, les évènements survenant dans une région ou sur un continent – guerre, krach financier, etc. – affectent simultanément toutes les autres parties du monde. L’Empire Romain et la Chine n’avaient quasiment aucune interaction, aujourd’hui il est indéniable que nos conditions de vie actuelles se retrouvent bien plus influencées et ballotées par les aléas survenant ailleurs, voire très loin de nous, que par notre propre contexte national, accentuant du même coup notre hyper-fragilisation.

Nous avons, au final, progressivement perdu le contrôle car nos existences ne dépendent plus guère (pour paraphraser Joseph Stiglitz) de notre salaire, ni même de l’éducation donnée par nos parents.

La politique et le politique en ruine ne peuvent pratiquement plus rien car ils ont été méticuleusement dépouillés de leurs leviers.

Le grand Hayman Minsky, disparu en 1996, théorisait que la stabilité est trompeuse, qu’elle est en réalité déstabilisante, qu’un ouragan est très souvent tapi derrière les périodes d’accalmies et de prospérité. Il serait contraint de revoir en profondeur sa copie car les secousses de tous ordres – financières, inflationnistes, géopolitiques… – jalonnent notre vie depuis de longues années dans un monde ne daignant même plus vouloir masquer sa dangerosité, pas plus que de modérer sa capacité de nuisance. L’instabilité est désormais la règle, plus l’exception. Et Taleb peut s’arracher les cheveux qui lui restent car les cygnes noirs sont partout !

Le physicien Max Planck notait que la science n’avance qu’ «un enterrement à la fois», mais il n’y a aucune chance de nos jours que les hécatombes auxquelles nous seront prochainement confrontés soient sources de progrès. Je ne peux m’empêcher de penser quasiment chaque jour à la chute de Constantinople le 29 mai 1453, hyper-fragilisée par les discussions byzantines de ses élites dans le Palais de l’Empereur et ayant dilapidé un temps précieux en tergiversations stériles, facilitant ainsi grandement la tâche des envahisseurs turcs.

Tags: , , , , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.