Les cahiers bleus de Zhenishbek – On peut trouver un vaccin contre la maladie mais peut-on trouver un vaccin contre la trahison?

Dire d’une personne qu’elle est bonne ou qu’elle ne l’est pas, n’est pas un jugement toujours juste. Il y a les personnes qui ont eu la chance de surmonter les obstacles de leur vie et celles, amères, qui n’y sont pas parvenues. 

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Chaque être humain a un but dans la vie, disons qu’il va à la chasse, à sa façon. Dans cette chasse, il y a ceux qui piègent une souris et ceux qui réussissent à abattre un tigre.  

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Nous nous compliquons la vie avec des questions sans réponse, alors autant les abandonner et vivre.  

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Jusqu’en 1910 environ, les Kirghizes ne connaissaient comme monture que le classique cheval de l’Asie centrale, le yak et ses longs poils noirs, le chameau et ses bosses. Si ajoutaient comme moyen de locomotion de primitives charrettes brinquebalantes à deux ou quatre roues attelées à des chevaux ou à des yaks. Et voici qu’en ce tout début de vingtième siècle apparaît sur les pistes de poussière marquées par les sabots des chevaux (il n’y avait pas de route) une étrange chose… En fait un tracteur au bruit tonitruant… Les montagnards, qui le prennent pour un animal inconnu, une masse terrifiante de couleur sombre, le chassent en hurlant! 

90 ans ont passé depuis cette anecdote. 90 ans de grands bouleversements pour le pays, au point que le Kirghizistan ira même jusqu’à accoucher d’un cosmonaute… 

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A l’école, nous étions englués dans la sacralisation du communisme. On y croyait comme l’unique vérité. Un jour, un de nos camarades de classe se lança dans une rocambolesque histoire, à laquelle aucun de nous ne voulut croire. Fou de rage, le conteur arracha de son cou son foulard rouge, symbole du sang du communiste et dont les ourlets montrent la voie empruntée par Lénine… Notre courageux camarade alla jusqu’à jeter le foulard dans la cheminée. « Ainsi vous me croyez maintenant? » Le foulard rouge flamba et nous fûmes pétrifiés face à cette scène qui se révélait dangereuse pour son protagoniste principal.

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« Les rivières ne coulent pas en arrière »

Comment l’idée d’un roman naît-elle ? Elle ne naît pas par hasard. On ne se réveille pas avec elle un beau matin. Elle mûrit peu à peu, souvent sans même que vous vous en rendiez compte, elle se niche dans votre subconscient jusqu’au jour où… 

J’aime les librairies. A Genève, où j’habite, je fréquente la plus importante et la plus riche d’entre elles, la librairie Payot, qui ne se contente pas du français mais s’ouvre également au monde, avec des livres étrangers présentés dans toutes sortes de langues. 

 Dans ce paradis de littératures, j’approche un jour l’un des vendeurs avec une question qui apparemment l’étonne ! « Non, me répond-il après mûre réflexion, je ne crois pas connaître de livre dont le sujet soit celui d’un père et d’une mère tout à la fois… C’est à cet instant-là qu’une idée de roman, a jailli du plus profond de moi même et de mes souvenirs. Il faut croire que c’était son heure !  

Ce roman intitulé « Les rivières ne coulent pas en arrière » est sorti en 2017 en langue kirghize à Bishkek. Ce livre contient 2750 fois le mot « père », et 1453 fois le mot « mère ». Je les ai comptés. Ce nombre impressionnant parle de lui-même. Il est la preuve que j’ai réussi cet ouvrage « biparental » que je m’étais promis d’écrire un jour. 

Une grande partie de ce livre n’est autre que mes larmes dédiées à mon père, puisque je ne l’ai jamais connu et qu’il m’a fallu l’imaginer. J’avais deux ans quand il a été assassiné.

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On peut trouver un vaccin contre la maladie mais peut-on trouver un vaccin contre la trahison?

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Cette chronique contient des nouvelles, aphorismes, histoires vraies et autres récits écrits entre l’âge de 15 et 35 ans sous la forme d’un journal par le journaliste et écrivain genevois d’origine kirghize, Zhenishbek Edigeev. Un premier tome des “Cahiers bleus” a été publié en 2022. Un deuxième est prévu en 2024. 

Zhenishbek Edigeev. Photo DR

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