L’écho d’une vie genevoise: Jean Christian Barben, le p’tit prof de français qui fonda son « Ecole du monde »

Jean Christian Barben aimait son travail, aimait sa famille. Il aimait la vie paisible. Un jour, sa femme lui dit: 

Mais tu ne vas pas rester toute ta vie un p’tit prof de français. Crée une école! Tu as étudié l’économie à l’université, tu sais gérer, tu peux faire la comptabilité, et ainsi tu feras quelque chose pour toi.

Et comme ça est née à Genève, il y a 24 ans déjà, l’École du monde. Jean Christian Barben:

Depuis son ouverture, j’ai accueilli des étudiants de 123 nationalités différentes, y compris des Suisses. J’ai même eu deux étudiants venus de Corée du Nord.  Deux étudiants s’y sont même mariés, et j’ai été invité à leur mariage.

– Avez-vous remarqué si certaines nationalités sont plus « débrouillardes » pour apprendre une nouvelle langue ?


Eh bien, cela dépend des personnes, c’est vraiment très varié. Mais il est évident que j’ai observé quelques tendances. Par exemple, les Sud-Américains, comme les Brésiliens, les Colombiens ou les Péruviens, parlent sans hésiter, même s’ils font beaucoup de fautes. Ils ne sont pas bloqués par la peur de faire des erreurs, ce qui leur permet de progresser rapidement, même si les règles de grammaire les intéressent un peu moins.

En revanche, les étudiants asiatiques, comme les Japonais ou les Chinois, ont une approche très différente. Ils se concentrent principalement sur la grammaire, et donc, ils réussissent à appliquer les règles de manière impeccable. Cependant, pour eux, l’oral est beaucoup plus difficile, car ils ne veulent pas parler tant qu’ils ne sont pas sûrs de la manière correcte de prononcer les mots.

LA DICTATURE DU TÉLÉPHONE

– Et maintenant que nous sommes au XXIe siècle, la langue française a-t-elle beaucoup changé par rapport à avant ? S’est-elle enrichie au fil des siècles ou, au contraire, appauvrie ?



Elle s’est malheureusement plutôt appauvrie. Je remarque un phénomène inquiétant, notamment lorsque je demande des devoirs de production écrite : certains étudiants utilisent ChatGPT. Ce n’est pas acceptable. Et une autre difficulté, ce sont les téléphones. Parfois, je donne une explication à un étudiant, et il me dit : « Non, mais mon téléphone a dit ça. » Je lui réponds : « Vous me croyez, moi, qui enseigne le français depuis 30 ans, ou votre traducteur Google ? » Et c’est pour cela que nous avons instauré un jour sans téléphone, le vendredi. Parce que je vois que certains étudiants, dès qu’ils entendent quelque chose, ils vérifient sur leur téléphone pour contrôler si c’est correct. Cela devient un poison pour l’apprentissage.

Je pense qu’à l’époque, les gens parlaient d’une manière beaucoup plus soutenue qu’aujourd’hui. Prenez par exemple les grands classiques de la littérature : ils utilisent des formes du subjonctif imparfait, ce que plus personne n’emploie de nos jours. Même dans les dialogues de ces œuvres, le jardinier semble avoir un vocabulaire plus riche que celui de Macron. Il faut dire qu’il utilise des termes et une tournure de phrases que peu de gens emploient actuellement. Et je suppose que les professeurs de l’époque parlaient aussi de cette manière. Aujourd’hui, cependant, ce genre de langage soutenu semble avoir disparu. La langue s’est standardisée, et malheureusement, cela ressemble à un nivellement par le bas.

Et ainsi va la vie, belle dans son mouvement ininterrompu. À Genève, les étrangers affluent sans relâche, apprennent le français, tissent des amitiés, célèbrent des mariages. Et la vie, inlassablement, poursuit son cours…

Propos recueillis par Zhenishbek Edigeev

Jean Christian Barben: « la langue française s’est standardisée ».
Photo ©2025 Zhenishbek Edigeev

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