Lundi 30 octobre, le Matin bleu titrait son affichette “Attention: arnaque à la carte bonus!” Bigre, vite lisons l’article, page 3, titré “Nouvelle arnaque dans les transports publics: le trafic des cartes à bonus”. On imagine le pire car, pour celles et ceux qui l’auraient oublié, arnaque signifie “escroquerie, vol”, et par extension “artifice, tromperie”. Le Matin bleu a donc levé un lièvre. Première phrase: “Les femmes qui achètent des billets de bus aux distributeurs avec une carte bonus pour les revendre aux passagers procèdent en toute légalité”. Ah bon.
Qu’en est-il alors du “trafic”, qui veut dire dans son sens moderne “commerce plus ou moins clandestin, honteux et illicite”?
L’articulet nous apprend simplement que des femmes proposent aux voyageurs des Transports publics genevois (TPG) de tirer, au moyen d’un abonnement, le titre de transport qu’ils s’apprêtent à acheter, pour en encaisser le prix. Elles “gagnent” ainsi 4 francs par abonnement de 50 francs.
De trafic pas l’ombre, ces dames rendent même un fier service aux voyageurs démunis de monnaie en leur fournissant billet… et monnaie. Ce que les distributeurs ne font pas, et ça c’est une vraie arnaque. Mais ça, ce n’est pas dans le Matin bleu.
Même la porte-parole de la police l’assure, “ses (sic) femmes agissent dans la légalité”. De plus, apprend-on, “contrairement aux idées reçues, ces personnes ne se font pas d’argent sur le dos de l’aide sociale, car l’Hospice général délivre uniquement des abonnements nominatifs”.
Pas de sujet donc, mais il ne reste plus qu’à ajouter une louche de perfidie en précisant qu’il s’agit “la plupart du temps” de femmes “d’origine étrangère” pour faire la connection avec arnaque et trafic, et voilà le travail.
On imagine l’effet de ces affichette sur la place Cornavin, ce lundi 30 octobre. Mais quelle importance de calomnier les pauvres gens, on est au moins sûrs qu’ils n’iront pas se plaindre.