Le jour où libéralisme et dirigisme ne seront donc plus le dipôle du présent argument géopolitique


Il parait qu’à la descente en kayak du Niagara, on entend déjà de très loin grossir le bouillonnement bruissant de la plus grande chute d’eau de la planète. A un certain niveau de courant, le pagayeur trop avancé ne peut plus dominer sa course et l’esquif s’émulsionne dans l’écume du flot précipité vers l’abîme….

Cette image sied à l’approche de toutes les révolutions qu’ont accéléré les courants de l’histoire contemporaine : aux absolutismes des régimes nobiliaires furent infligées en Occident, en Eurasie et en Orient respectivement, les sanglantes révolutions de 1789, 1917 et 1949. Les sites des rébellions futures ne se liront plus sur un planisphère mais sur une boule avec, pour repères sémantiques des forces en campagne, les concepts acquis d’inter-, et d’altermondialisme et, qui sait, celui de supermondialisme comme nouveau volet de la confrontation en marche.

Peut-être, peut-être, libéralisme ou dirigisme ne seront donc plus le dipôle du présent argument géopolitique : ils en deviendraient les restes funestes, pris de vitesse et dépassés par des réalités plus viscérales : la faim, la carence énergétique, la disette matérielle, l’indigence culturelle. Qui n’entend pas déjà, voire plus que jamais, gronder leurs effets ? Alors la plèbe et le glaive, en lieu de forums, iront, comme le cours tumultueux du passé nous l’enseigne, chercher par la violence et à leurs sources mêmes les moyens de remplir les estomacs, les réservoirs ou les bourses, en instaurant enfin une telle supermondialisation. .

Dès lors, au lieu d’appartenir à des potentats, princes, dictateurs et autres fauteurs prétendus des manques ou des excès présents, les ressources globales en grains – riz, blé- et en fluides – eaux, huiles- leur seront saisies ou arrachées par la force : les excès paradoxalement diffus de la centralisation capitaliste seront balayés à grands frais par un néocolonialisme des ventres creux et le cycle des excès placera sous un autre joug les régions productrices, aujourd’hui apanages de capitaines des sables, de centralisateurs agroalimentaires ou industriels, et autres exploitants nourriciers encore incontournables .

Car, en effet, dans ce néo-formalisme universel, il ne s’agira plus d’une inscription au patrimoine mondial des hauts lieux de la terre pour le beau voir mais d’une gestion coordonnée des ressources intégrées de son sol, de ses entrailles et de ses cieux. Finis les cartels qui décidaient des quotas de la production fossile pour encaisser ses profits, la captation nationaliste sans partage des eaux naturelles, la production arbitraire des céréales pour une assignation industrielle, la dépopulation des eaux poissonneuses, l’exportation sauvage des ordures, etc…. En lieu et place on verra un algorithme gouvernemental super-mondial réfléchi et ajustable de la production, de la distribution et de leur ménage. Gestions coordonnées et plus équitables ; gestion globale. Obtenue par la force ?

A l’avènement révolutionnaire de cette gouvernance, bien sûr hypothétique mais combien prévisible, la paix et la prospérité régneront-elles pour autant, ou auront-elles simplement changé de camp ? Certes, la productivité mûrira, la distribution passera en d’autres mains, la faim changera de ventre, le cours des eaux suivra d’autres lits, la production de l’énergie prendra diverses formes, la pollution souillera d’autres terres et le chroniqueur délirant et réifiant, taxé de «communautiste», un néologisme pour le mieux enterrer, ne sera plus là pour savoir s’il avait eu raison.

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