Patrimoine immobilier de l’Etat hongrois: les affaires s’enchaînent


Un nouveau gros scandale de corruption datant de l’ère Gyurcsany éclate au grand jour et plombe  l’image de l’opposition libérale.

PAR FRANCOIS GAILLARD

L’affaire de la vente “antidatée” en 2008 d’un immeuble de l’Etat hongrois à Moscou il y a plusieurs années. Des arrestations ordonnées par le Parquet ont déjà eu lieu en début de semaine. Le KEHI (Kormányzati Ellenőrzési Hivatal), institution de contrôle des gouvernements,  vient de porter plainte. En 2009, certains responsables de cette vente étaient impliqués dans une autre grosse affaire louche : la vente de plusieurs châteaux appartenant à l’Etat à une obscure société française (du moins sur le net).

Mardi 8 février 2011, l’ancien directeur de la société publique de gestion du patrimoine (Állami Vagyonkezelő Zrt.), Miklós Tátrai, l’ancien ministre délégué aux Affaires étrangères, Márta Fekszi et l’ancien ambassadeur hongrois à Moscou, Árpád Székely, ont fait l’objet d’arrestations ordonnées par le Parquet. Mercredi 9 février, le KEHI a également porté plainte contre X. Selon le président de l’institution de contrôle gouvernemental, le gouvernement de l’époque et son chef, Ferenc Gyurcsány, devaient être au courant de la vente de l’immeuble dans lequel la représentation diplomatique hongroise était installée.

Les débuts de l’affaire de Moscou

Lors d’un conseil des ministres en 2008 à Dobogókő, le gouvernement, en présence du premier ministre, approuvait la vente d’un immeuble de la représentation diplomatique hongroise à Moscou. Un pré-contrat avait été signé en 2005 en dépit du préavis de l’ex-ministre délégué qui avait jugé le prix proposé trop bas. Le KEHI débutait alors son enquête en tout indépendance du Parquet. Sur la base de cette enquête, le Parquet avait déjà porté plainte contre X. Pourtant, dans le dossier il y avait des noms bien concrets.

Selon Szabolcs Barna Gál, le président de KEHI, tout le gouvernement Gyurcsány devait être au courant de la vente illégale de l’immeuble. Il espère maintenant pouvoir interroger Gyurcsány sur  cette affaire. «Tous les membres du gouvernement étaient présents à cette réunion, ils ont pris une décision, ils ont accepté qu’un immeuble faisant partie du patrimoine de l’État serait vendu d’une façon illégale», – a t-il déclaré récemment.

Les dossiers de KEHI démontrent que l’ambassade de Hongrie à Moscou avait déjà envoyé le plan de contrat de vente en 2005. Bien que Márta Fekszi ait signalé dans un télégramme chiffré que le prix était trop bas, l’affaire a été conclue. La résolution du gouvernement concernant la vente a vu le jour après l’encaissement du prix d’achat. Dans une émission de Magyar Televízió en 2009, l’ancien ministre des finances, János Veres, en réaction à un article paru dans “Heti Válasz, a refusé d’entendre un seul soupçon sur quelque irrégularité que ce soit. «D’abord, je pense que le journal auquel vous faites référence, est un journal louche, avec une Une louche et des insinuations louches», avait déclaré János Veres à l’époque.

De la mauvaise transaction aux soupçons de corruption

Aujourd’hui, l’immeuble vendu au rabais il y a 5 ou 6 ans se trouve dans ce qui est devenu l’une des villes les plus chères du monde. L’immeuble de 7 étages et de 17.000 m2 au total, accueillait un restaurant, un parking, des bureaux et une salle de conférence pouvant accueillir 200 personnes. Il est également situé au centre de Moscou. Pour pouvoir l’acheter, dans les années 80, la Hongrie a dû donner plusieurs immeubles à Budapest en échange.

Il y a néanmoins encore un obstacle aux suspicions de corruption qui découlent de ce descriptif : l’identité du propriétaire actuel de l’immeuble, dont la rénovation a coûté une fortune, est difficile à établir : c’est une société offshore dont les bases sont assez floues. Selon les dossiers déposés par KEHI, la société acheteuse de l’immeuble s’appelle Diamond Air et son siège se trouve à Luxembourg. Le propriétaire de la société ne serait pas encore  identifiable.

Bien que l’immeuble ait été vendu pour un prix de 3,5 milliards de HUF (CHF 17 millions, environ), selon les informations de “Heti Válasz” en 2009, il y avait des offres proposant 8-13,5 milliards de HUF (CHF 40-70 millions). Avant la vente, il a été rénové à partir d’un budget de 200 millions de HUF (CHF 1 million). Selon l’avocat de M. Tátrai, l’écart entre le prix de vente et de la valeur marchande était dû à la situation juridique compliquée de l’immeuble, étant donné que le terrain fait partie de la propriété de l’État russe, et l’immeuble celle de l’État hongrois. Aussi, selon l’avocat, la gestion de l’immeuble relevait des compétences du Ministère des Affaires étrangères.

2009 et l’affaire des châteaux de l’Etat hongrois

Cette année-là, “Heti Válasz” était décidément sur le coup de la grande braderie du patrimoine national, et sur le dos de Tátrai, l’ancien directeur de la société publique de gestion du patrimoine. En juillet 2009, Miklos Tátrai était démis de ses fonctions de Állami Vagyonkezelő Zrt. après avoir été soupçonné de mener des transactions frauduleuses avec la Compagnie des Châteaux d’Europe Centrale (CCEC). L’objectif était de céder 10 des 90 châteaux appartenant à l’Etat en Hongrie à CCEC, une compagnie française qui n’était, à l’époque, propriétaire que d’un seul château en Tchéquie, proche de Plzen.

Heti Válasz” divulguait aussi que József Gölöncsér, ancien attaché commercial de l’ambassade de Hongrie en France dans les années 1980 et 1990 puis membre du conseil d’administration de la société publique de gestion du patrimoine (sous les gouvernements Medgyessy puis Gyurcsány), où il était chargé de la gestion des châteaux, faisait partie des cadres de CCEC.

Les activités de Mikos Tatrai ont éveillé des soupçons de malversations lorsqu’il a demandé à Istvan Hiller, alors ministre de l’Education et de la Culture, de modifier le statut des châteaux en question afin qu’ils ne soient pas classés monuments historiques. La manoeuvre aurait consisté à faire suspendre le processus de demande de Fonds européens, pour en faire bénéficier CCEC à son tour.

Article paru sur Hu-lala

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