Feydeau, “Un fil à la patte” ou le miroir des illusions


Attention, Mesdames et Messieurs, Georges Feydeau entre en scène et cette entrée s’annonce forcément fracassante!

PAR BARBARA FOURNIER

Il déboule avec ses quiproquos, ses entourloupes, ses pirouettes, ses coups de théâtre et ses grivoiseries, et l’on va se tordre de rire, assurément! Mais ne nous y trompons pas. Nous ne sortirons pas tout à fait indemnes de l’impitoyable machinerie à rire dans laquelle nous fait dégringoler le grand maître du vaudeville. Car Feydeau moud les âmes comme de l’avoine et nous laisse pantelants après une heure et demie de fréquentation d’un monde pétri de faux-semblants.

Sous le masque du rire, l’auteur décortique, avec la virtuosité qui lui est coutumière, la férocité de cette société héritée du dernier Empire et dans laquelle gigote la bourgeoisie de la jeune Troisième République qui n’a que l’amour à la bouche, mais que l’argent en tête. Les princes séduisent donc les bergères mais ne les épousent pas, car dans cet univers de la conformité, on est dévoré par la hantise des mésalliances et des faux-pas. Pourtant, «Un fil à la patte» démontre avec brio à quel point les ambitions des uns et des autres, prêts à tout pour arriver à leurs fins, se prennent les pieds dans leur propre jeu et s’écrasent contre le miroir des illusions, dindons d’une farce sociale qui échappe à toute tentative de maîtrise et qui sombre dans le délire.

On ne s’en étonnera pas, d’aucuns voient en Georges Feydeau un précurseur du théâtre de l’absurde. Cette lecture est séduisante, car elle rappelle, au-delà des frous-frous de la Belle Epoque et des convenances du genre, que la modernité du propos demeure intacte. Mécanique stylistiquement parfaitement huilée, «Un fil à la patte» met en scène le triomphe du non-sens dans une construction qui ne laisse pas le moindre détail au hasard. Chahutés dans un chaos hilare, personnages et spectateurs font ensemble l’expérience d’une réalité entièrement déjouée, entre les mains d’un marionnettiste de génie qui savait que seul l’art peut nous sauver de tout, même du ridicule.

Cette année, les comédiens de l’atelier théâtre de la HEP Vaud s’attaquent à un grand classique du vaudeville, “Un fil à la patte”, de Georges Feydeau, et se frottent à une comédie haute en couleur dont le rythme effréné tient les spectateurs en haleine autant qu’il met hors d’haleine ses comédiens! A découvrir à l’Aula des Cèdres, avenue de Cour 33 bis, Lausanne, les 21, 22 et 23 mars, à 20 heures. Entrée libre.

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