Un mégaprojet de décharge menace le poumon de Genève


Le chemin de l’Echappée, dans la commune de Collex-Bossy, doit encore prouver qu’il mérite son nom. Car rien ne dit que cette voie cimentée coupant en deux une immense prairie aux portes de Genève offrira le salut aux centaines d’habitants de la région. S’inquiétant d’un mégaprojet de décharge que l’Etat de Genève envisage de creuser à quelques mètres d’habitations, ces riverains ont lancé une pétition. La phase de la mise à l’enquête est prévue dans le courant de l’été prochain. 

Photos le Médusé

La Méduse a rencontré Ulla Birk et Marie-José Bofill, membres de l’Association de sauvegarde ds intérêts de Collex-Bossy et environs. 

Genève n’a pas le territoire de son voisin, le canton de Vaud, mais sa campagne est très belle. 70 hectares appelés à la destruction, est-ce cela qui vous motive dans votre opposition?

Ulla Birk: D’abord l’énormité du projet. Même s’il s’agit de matériaux inertes d’excavation, les travaux produiront beaucoup de poussière et de bruit, du fait du passage des camions. S’ajoute la pollution de l’air, déjà contaminé par les voitures et les avions. La décharge est prévue à dix mètres de maisons. Jusqu’à cent mètres, il faut s’attendre à peu près à un surplus d’au moins vingt microgrammes par mètre cube. Ceci dépasse la norme supérieure de pollution de l’air.

Marie-José Bofill: Cette région est vraiment le poumon de Genève, côté rive droite. Elle est reconnue comme telle, avec des passages pour les animaux sauvages. L’énormité du projet par rapport à la taille du canton de Genève, mais aussi celle de la commune de Collex-Bossy, nous interpelle. Un petit bois sépare le terrain menacé de la commune de Bellevue dont les habitants sont moins affectés. 

Combien d’habitants sont donc concernés en premier lieu?

Marie-José Bofill: Collex compte à peu près 1700 habitants. Le problème est aussi qu’un bon nombre d’habitants n’ont pas été au courant de ce projet en 2015, au moment où le canton de Genève a commencé à l’évoquer. Les personnes informées l’ont mal été car elles ont pensé que les terres excavées constitueraient un mur antibruit contre l’autoroute dont vous entendez la rumeur. Nous avons peu d’informations. On a refusé de nous remettre l’étude d’impact. Nous devrons attendre la période d’enquête publique. Nous n’aurons alors que trente jours, ce qui paraît dérisoire, compte tenu de la complexité du projet.

Le village de Collex-Bossy. Photo le Médusé

Les bisons qui paissent sur ce terrain seront les premiers touchés. Mais ils ne sont qu’une partie du problème. Ella Birk, vous êtes ophtalmologue, vous exprimez le point de vue des médecins: l’enjeu pour la population ne se situe-t-il pas d’abord sur le plan médical?

 Ulla Birk: Oui, le projet constitue un danger pour la santé. Le taux de particules fines et susceptible de provoquer des infarctus, de l’asthme, des allergies, des décès prématurés. Tout le corps est concerné, en fait. 

Le canton de Genève est derrière le projet de décharge. Qu’escomptez-vous de la part de la population? Quel sera le prochain pas?

Marie-José Bofill: La pétition que nous avons lancée a été signée par plus de 1300 personnes. Nous avons été reçus à la commission des pétitions, nous avons eu l’impression que les membres nous écoutaient avec beaucoup d’intérêt, posaient de nombreuses questions, voire exprimaient de la sympathie. Que disons-nous? Au départ, le projet était prévu pour cinq ans et deux millions de mètres cubes. Maintenant on nous parle de dix ans et trois millions de mètres cubes. Avec une superficie agrandie, en plus. Avec la quantité de travaux existant à Genève, on risque de ne pas voir le bout. Cinq ans devrait être un maximum. Que l’on soit à dix ou à cinq-cents mètres, on entend les camions, on subit la poussière et tout l’impact. Il faut un projet qui revienne à une taille plus humaine et qui tienne compte de la santé des habitants de Collex-Bossy.

Propos recueillis par Christian Campiche

Des habitations se trouvent à une dizaine de mètres du terrain. Photo le Médusé.

«La population ne peut pas se rendre compte de la nature exacte du projet»

Pour avoir la position de l’Etat de Genève, la Méduse s’est adressée à Jacques Martelain, directeur du Service de géologie, sol et déchets (GESDEC) du Canton de Genève.

– Le projet de décharge à Collex-Bossy fait partie du plan directeur validé par le Conseil d’Etat en 2017. Il concerne une décharge de type A. Cela signifie qu’il s’agit de matériaux d’excavation non pollués. La moitié de ces déchets, soit 600 000 mètres cubes par an, est prise en charge par les gravières du canton. L’autre moitié est exportée en France.

– Je comprends l’inquiétude de ces dames, que j’ai reçues il n’y a pas longtemps. Mais le projet de décharge à Collex-Bossy n’est pas épouvantable, comme elles le pensent. Le planning de réalisation a été modifié par rapport au projet initial. Une butte séparera la décharge des maisons.

– La poussière émanant d’une future décharge comme celle qui est projetée à Collex-Bossy ne serait pas supérieure à celle qu’absorbe la population du fait des nombreux chantiers dans le canton.

– La population ne peut pas se rendre compte dans les détails de la nature du projet. Ce dernier fait actuellement l’objet d’aller-retours entre services et spécialistes compétents. Il ne tardera pas à être mis à l’enquête publique, d’ici à l’été prochain, peut-être l’automne. L’enquête sera vraisemblablement prolongée. Au lieu des trente jours habituels, elle s’étendra sur deux mois.

Propos recueillis par CC

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