Agriculture, traiter moins, traiter autrement


L’agriculture peut-elle se passer de pesticides? Deux initiatives populaires (DP 2248) lancées hors de toute structure organisée ouvrent le débat. Si le Parlement renonce à adopter un contre-projet, l’an prochain verra donc un grand affrontement sur les modes de production agricoles, sur fond de réduction de la biodiversité et d’enjeux de santé humaine, animale, des plantes et du sol. 

Le problème est aussi bien quantitatif – comment épandre moins de substances de synthèse? – que qualitatif – comment réduire la toxicité des produits sans affaiblir leur efficacité?

Indéniablement, sur ces deux aspects des progrès ont été réalisés. Voici quelques décennies, en développant la production intégrée, les paysans suisses s’étaient faits les pionniers des dosages fins, des traitements circonstanciés et prudents. Des molécules sont régulièrement retirées du commerce, les modes d’utilisation se font bien plus ciblés.

Cela n’est pourtant plus suffisant. De nombreuses substances répandues dans l’environnement s’y concentrent. L’on s’inquiète notamment de leurs synergies et des effets des faibles doses.

On ne peut plus se contenter d’une approche substance par substance et d’un abaissement des valeurs limites. Il faut considérer la diffusion d’une pollution d’origines diverses et bien réelle dans les milieux naturels et les chaînes alimentaires, à l’image des microparticules de plastique aujourd’hui omniprésentes. L’agriculture n’en porte pas seule la responsabilité, mais elle y contribue.

Dans de nombreuses exploitations et dans la recherche agronomique, l’ambiance est à l’innovation et à la recherche de l’authenticité. Le bio progresse, l’agriculture de conservation (des sols) aussi. De manière générale, on souhaite promouvoir les résistances naturelles, les associations et rotations bénéfiques, la lutte biologique, le traitement mécanique de la végétation indésirable, réduire les quantités d’engrais et de traitements, développer des variétés résistantes. Signalons ici les pommes et les cépages résistants développés notamment à Agroscope.

Depuis un siècle, le bio…

La culture biologique représente la première alternative aux produits de synthèse. Il s’agit d’une vision d’ensemble, faite d’observation en finesse des écosystèmes agricoles dans leur interaction avec la nature. Celle-ci n’est pas considérée comme un adversaire à combattre mais comme une alliée. Misant sur la vie du sol, la polyculture, la capacité de résistance des végétaux et des animaux, leurs complémentarités et la lutte biologique, ces approches prouvent leur faisabilité depuis plus d’un siècle et dans toutes les parties du monde.

La culture biologique présente certes des rendements en moyenne plus bas. Mais ses produits sont non seulement exempts de résidus de traitement (hormis la pollution générale de l’environnement) mais aussi plus concentrés; contenant moins d’eau pour le même poids, le consommateur a davantage de matière nutritive. 

Rappelons qu’en moyenne mondiale, entre le champ et l’assiette un tiers de la récolte est gaspillée. Bien plus que la perte de rendement en généralisant le bio… Dans le monde, deux fois plus de personnes, au moins, souffrent de trop manger que de personnes ne mangeant pas à leur faim!

La culture bio est régie par des cahiers de charge internes aux organisations professionnelles, mais aussi par des règlements étatiques. Au sein de l’UE, c’est le Règlement relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques qui fait foi et, en Suisse, l’Ordonnance sur l’agriculture biologique. D’ailleurs contrairement à une affirmation souvent entendue, ces régulations sont assez proches.

Dans ce cadre qui valorise la prévention, la culture biologique traite également, mais autrement. La liste des produits est bien plus restreinte, les doses bien plus faibles que ce qui est autorisé en agriculture conventionnelle. Un institut de référence, le FiBL, publie chaque année liste des intrants autorisés en bio. On y trouve des produits au cuivre, soufre ou au fer; du bicarbonate de potassium; des huiles de fenouil, colza, neem; la famille des pyrèthres. Mais aussi des techniques de confusion sexuelle et de promotion des ennemis naturels des parasites.

Une Suisse à 100% bio, un argument de vente imparable?

Les deux initiatives prévoient un long délai pour permettre la conversion des quelque 45’000 exploitations (88%) encore en culture conventionnelle.

Même si les solutions techniques existent, cela pourra être douloureux pour certaines. Mais ce ne serait que le résultat de la stratégie de l’USP qui a tout fait pour éviter un contre-projet qui aurait donné valeur légale aux plans d’action de la Confédération en matière de biodiversité et de traitements phytosanitaires. 

En définitive, quel meilleur argument pour fidéliser la clientèle autour des produits locaux que d’être le premier pays au monde 100% bio?

René Longet

Domaine Public

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