Jacques Neirynck apporte sa (petite?) pierre à l’édifice de la transition climatique


« La transition climatique n’est pas à prendre à la légère. Elle conditionne la survie de la civilisation, voire de l’espèce. » En une phrase, tout est dit.

Il n’est pas courant de lire un représentant du peuple suisse sur un sujet aussi difficile, ni de prendre connaissance, de sa part, d’un texte aussi complet, tendant à l’exhaustivité. À quelques détails près, Jacques Neirynck a réussi son entreprise. Il aborde presque tous les aspects de la question climatique : l’origine du problème, soit la révolution industrielle, l’impact des gaz à effet de serre sur la machine climatique, le processus chimique qui y conduit, le résultat sur la température de l’atmosphère terrestre, les manifestations physiques de ce réchauffement (cyclones, dilatation des océans, modification des courants marins, sécheresses, …). L’auteur se penche ensuite sur les conséquences sur l’humanité : là encore, migrations, pénuries alimentaires, submersion de zones très peuplées. Nous risquons l’effondrement civilisationnel, ou même l’extinction. Et il ne serait pas inutile de le comprendre avant que cela ne se produise.

Dans une seconde partie, Jacques Neirynck expose les différentes solutions techniques et organisationnelles pouvant permettre à l’humanité en général, et à la Suisse en particulier, de faire face à cette crise existentielle : sobriété énergétique, économie de déplacements, énergies vertes, limitation de la population. Car, oui, il ose se frotter à cet aspect si controversé de la vie de l’humanité. Et il va même plus loin, et ce n’est pas la moins bonne partie du livre : en tant qu’ancien parlementaire helvétique, homme politique, il émet un jugement critique sur la qualité du système de gouvernance de ce pays. Et il n’est pas tendre : … ‘Déni parlementaire’ (p.65), … ‘Dans ce débat crucial pour la planète, la majorité des parlementaires vote en toute ignorance de cause’.  … ‘Ils ont aussi tendance à évacuer le problème, à supposer qu’il n’existe pas, à attribuer aux scientifiques une certaine arrogance’. (p. 68) … ‘Les institutions suisses sont conçues pour gérer les questions ordinaires, et de modestes projets’ : … (p. 83)…

Voilà pour nos députés. Outre cela, Jacques Neirinck n’apprécie guère le pouvoir de décision des citoyens. La démocratie directe ne semble pas être sa tasse de thé. Le fait que de grands États, dépourvus de cette particularité démocratique, se trouvent dans une situation pire que notre petite Suisse ne semble pas le troubler. Élitisme? probablement. 

L’auteur est catholique. Cela devait se refléter dans son écrit. Il pourfend la consommation, la publicité, le désir vain, le productivisme, toutes choses qui contribuent fortement à la crise climatique. A mon avis, il fait bien.

J’ai parlé des qualités de l’ouvrage, abordons maintenant, ses faiblesses. Il y en a quelques-unes : la « collapsologie » est à la mode. Chacun glose sur l’effondrement de telle ou telle civilisation, des Mayas à l’île de Pâques, en passant par la chute de l’empire romain. C’est oublier que les disparitions d’États, de formes de civilisation, constituent des processus longs, complexes, difficiles à étudier. De tels phénomènes, qui ont des causes écologiques, économiques, militaires, politiques, culturelles, requièrent une réflexion poussée, des données fiables et une érudition sans faille. Quelques paragraphes dans un petit ouvrage de 90 pages, ce n’est pas assez. Jacques Neirynck a, ici, cédé à l’air du temps, et comme d’autres – parmi les meilleurs – il déçoit. Il déçoit aussi sur les sources : pas de notes. L’auteur est avare de renseignement. Il prive le lecteur d’information sur l’origine des chiffres nombreux qu’il avance. Quant on écrit sur un sujet aussi brûlant, aussi controversé, complexe, multiforme, il est important de présenter les bases factuelles de son travail. Le faire est utile pour lui apporter du crédit auprès du public, mais c’est intéressant aussi pour le lecteur, qui peut ainsi approfondir sa recherche personnelle.

Donc, un bon résumé de la question principale de notre époque, une époque décisive où la jeunesse joue son destin. Elle commence à le comprendre.

Bernard Antoine Rouffaer

Energie 2020

« Avant qu’il soit trop tard – Manifeste pour un monde durable », Jacques Neirynck, éditions Cabédita, 2019, 93 pages

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