Red Bernie vs. Fat Don


Bernie le Rouge contre Donald le Gras, ça pourrait être le titre d’un nouveau western. Ce sera peut-être celui de l’élection présidentielle du 8 novembre : le sénateur démocrate du Vermont, Bernie Sanders, contre le président républicain Donald Trump. Pour un observateur européen, une campagne présidentielle américaine est un film écrit par un scénariste barjo, mis en scène par un réalisateur mégalomane. Rendez-vous compte : tout commence en février par une élection dans un petit Etat de 3 millions d’électeurs, qui désigne les délégués à la convention du parti en juillet. Et pendant des mois, les valeureux candidats parcourent des milliers de miles, serrent des mains, font des discours et dépensent des fortunes pour convaincre les électeurs de voter pour les délégués du parti. Ils s’affrontent dans 50 élections primaires pour sélectionner 3979 délégués. En été, ce sera la grand messe pour les supporters de l’âne – les Démocrates. Après quelques jours de fête et de marchandages, ils désigneront leur champion pour l’élection du 8 novembre. Et tout cela coûtera plusieurs milliards de $ !

Et comme dans tout bon vieux western, on vit actuellement la séquence du saloon : quand le bouseux commence à gagner au poker, les big guys posent leur main droite sur leur Colt. Bernie, 78 ans, sénateur du Vermont, deux fois candidat à la présidence avec son programme de gauche, élu du parti contre Trump ? Les cadors démocrates ricanaient : too old, too red, no chance ! Et le voilà qui empile les victoires en Iowa, au New Hampshire et au Nevada. Les jeunes, les Noirs, les Latinos croient à ses promesses sur l’assurance maladie, l’imposition des riches et la gratuité des études. Et les dons affluent pour financer sa course à la Maison Blanche. Alors, Joe Biden, Elisabeth Warren, Michael Bloomberg et Pete Buttigieg commencent à s’inquiéter. Et si le vieux avait 1990 délégués à la convention démocrate, la majorité pour être le candidat du parti ? On ne va quand même pas choisir un vieux gauchiste qui va se faire massacrer par Trump et nous faire perdre la majorité à la Chambre des Représentants !

Comme dans Fort Alamo, les Démocrates sonnent l’alarme et appellent la cavalerie. Le respectable New York Times, fidèle soutien des Démocrates, mobilise ses éditorialistes pour mettre en garde Bernie : « Bernie Sanders fait une grande erreur » ; « Bernie Sanders n’est pas la version de gauche de Trump » ; « Pourquoi les Démocrates sont destinés au désastre ». Avec son programme « socialiste », le vieux sénateur séduit les démocrates de gauche, les ouvriers et les jeunes. Il est persuadé, comme un prophète, que l’Amérique est prête pour une nouvelle société plus juste. Les caciques des médias, qui ont vécu d’autres campagnes et d’autres défaites démocrates, répètent qu’on ne gagne l’élection qu’en ratissant large, au-delà de son camp : il faut convaincre les fermiers du Mid-West, les Latinos du Nevada, les ouvriers de Detroit, les banquiers de Wall Street, les Noirs de New Orleans, les informaticiens de la Silicon Valley.

Le NYT rappelle que « les candidats qui ont du succès à la présidentielle sont des fabricants de mythe ». Celui de Bernie : »Les grandes entreprises et les élites de Wall Street sont des monstres rapaces qui accumulent les richesses de la nation et qui oppriment la classe ouvrière ». C’est la lutte des classes dénoncée par Marx. Le jeu de massacre a commencé. Les caricatures féroces assassinent Bernie en vieux grigou qui demande : « Que préférez-vous, un socialisme démocratique ou une autocratie idiote ? ». Elles imaginent deux ânes démocrates portant un masque qui proclament : « Nous essayons d’arrêter le virus Bernie ». Lors du dernier débat démocrate à Las Vegas, tous les candidats se sont unis contre le milliardaire Mikael Bloomberg, accusé d’acheter l’élection. Aujourd’hui, pour les poids lourds démocrates, la vraie menace, c’est Bernie. Alors, feu à volonté avant le Super Tuesday du 3 mars, les primaires dans 14 Etats, qui désigneront un tiers des délégués. Pendant longtemps, le brave sénateur était, dans un remake du film de Sergio Leone, The Good. Dorénavant, il sera The Ugly et The Bad. Et la devise des candidats démocrates sera : « Dieu fit les hommes inégaux. Samuel Colt a rétabli l’équilibre ».

Marc Schindler

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