PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Tu avais mille fois raison, mon cher Zinoviev, l’avenir est radieux! En écrivant le livre qui t’a rendu célèbre, tu pensais bien sûr au monde concentrationnaire de ton temps, là-bas dans un pays où règne le culte de la personnalité. Si tu revenais aujourd’hui, l’ironie que tu pratiquais, ce mode d’expression cher aux intellectuels bannis, resterait de mise. Tu t’ébaubirais d’admiration devant l’ingéniosité des architectes de nos comportements, ces druides adoubés par un peuple crédule qu’infantilisent les relais officiels du pouvoir actionnés par de zélés jocrisses.
Dans ce meilleur des mondes qui comblerait l’ami Aldous, il suffit de chanter « c’est un vaccin extraordinaire » à la façon de Trenet pour voir s’ouvrir les portes du paradis. Celles qui permettent d’entrevoir l’an de grâce 2021, libéré de l’horrible Covid. Pour se rendre compte de l’euphorie ambiante, observons la Bourse qui flambe dans le sillage des actions des groupes pharmaceutiques détenteurs de la fiole miraculeuse. Des entreprises suisses ou françaises? Pas du tout! Américaines, pardi!
Aucun hasard non plus si la folle nouvelle a coïncidé avec l’annonce de la victoire de Biden. Le faire avant l’élection eût été prendre le risque d’avantager l’adversaire. Car dans cette élection jouée à l’avance, il était dit que Trump serait puni par où il avait péché. Il n’a pas cru au coronavirus, il a sous-estimé l’influence désastreuse du confinement sur les résultats économiques, plutôt probants jusque-là? Eh bien qu’il périsse politiquement!
L’occasion est trop belle pour le président élu, un Joe Biden qui n’a pas attendu le jour de son intronisation pour recruter une armada de scientifiques appelés à se pencher sur cas du patient toussotant et suffoquant. Le vaccin n’a pas encore fait ses preuves mais les analystes financiers et les journalistes applaudissent. Les titres des transporteurs aériens s’envolent, anticipant le redémarrage des grands échanges internationaux. Ils entraînent dans leur sillage le pétrole et l’industrie du luxe, renvoyant à ses chères études la téléconférence, soudain délaissée après des mois d’illusion optique.
Bas le masque, Machiavel! Mais gare au retour de manivelle. Tiens, ça rime!
