Carpes et lapins

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Dans le canton de Vaud, marier la carpe et le lapin, cela se déguste avec délices, si, si! Déjà complice pendant de longues années au gouvernement vaudois, le tandem « Brouillard et Malice » remet ça. Conservateur de nature, le rat des champs vaudois n’a pas suivi le rat de la ville de Lausanne, où le candidat vert Mahaim devance largement le député bourgeois Broulis au deuxième tour de l’élection au Conseil des Etats. Un résultat qui ne suffit pas à faire pencher la balance de son côté.

Ce sont donc le socialiste Pierre-Yves Maillard et le radical Pascal Broulis qui porteront les couleurs du canton vert et blanc à la chambre haute du parlement. Le boulot ne manquera pas. Les primes d’assurance-maladie pour l’un, le chantier de la gare de Lausanne pour l’autre. PYM pour les intimes parviendra-t-il à faire avancer le dossier de la caisse unique, son cheval de bataille, un peu oublié pendant la campagne d’un premier tour qu’il a survolé haut la main? Pascal Broulis réussira-t-il à recoller les pots cassés du temps où, ministre des Finances, il avait milité ardemment pour l’édification d’un nouveau musée au prix de la destruction d’un site protégé appartenant alors aux CFF? La priorité donnée à ce projet pharaonique, que Maillard, alors président du Conseil d’Etat, s’était bien gardé de contredire, avait nui à la poursuite d’un autre ouvrage, autrement plus important pour la collectivité, celui de la mise à jour de la gare.

Aujourd’hui les deux hommes ne veulent parler que de consensus. Le même terme qu’utilise un membre de l’alliance de droite, Mauro Poggia, grand vainqueur à Genève, anticipant la cohabitation aux Etats avec l’autre élu, le socialiste Sommaruga. Genève où l’on apprécie au passage la manière qu’a la RTS de relayer l’événement. Chloé Frammery arrive 5e, très loin derrière les poids-lourds Poggia et Sommaruga. Le service public relève qu’ « elle s’était notamment fait connaître durant la pandémie pour son opposition aux mesures sanitaires ». Que veut transmettre le service public comme message? Ridiculiser les novax dont Frammery est l’égérie? Sinon on ne voit pas pourquoi, à ce stade des événements, une fois les élections passées, il conviendrait de revenir sur le pedigree d’une candidate. On ne dit pas de Lisa Mazzone, une autre perdante de ce 12 novembre, qu’elle a été coordinatrice de Pro Velo, tout le monde s’en fiche.

A propos de Mazzone, la première réaction qui vient à l’esprit est de constater son manque de fair-play. Qualifier les deux élus au Conseil des Etats de vieux ringards machos équivaut à trahir un certain sexisme à rebours à l’heure où dans d’autres cantons les duos féminins l’emportent haut la main comme à Fribourg. Mazzone aurait-elle préféré l’élection de l’UDC Céline Amaudruz à la place de son collègue de ticket Sommaruga? « Je me retire de la politique », annonce, déçue, la verte. Quel manque de professionnalisme, serait-on tenté de commenter. En politique il faut savoir subir les coups. Mais surtout admettre le verdict des urnes. D’autant qu’il arrive au peuple de revenir sur sa décision. Dans quatre ans, allez savoir, il pourrait vous plébisciter.