Un faux ami qui tue lentement…


PAR MARTIN DE WAZIERS

… on n’est pas pressé, répondront certains, de façon ironique ! Sauf si l’on prend en compte les souffrances que l’on endure soi (physique, psychologique et spirituelle) et son entourage (émotions, ressentis et complexités). Oui, j’ai nommé l’addiction : tabac, alcool, drogues de tous genres (illicites ou médicales), et ce ne sont que les trois plus ravageuses… en ordre. J’ai arrêté de fumer à 35 ans (sans compter une très légère rechute), de boire, enfin, à 66 !

Heureusement, je n’en ai pas d’autres, car l’addiction est une maladie chronique, une forme d’aliénation physique ou psychique, donc une privation de liberté ! Entre la psychogénétique des deux branches, la pression sociale, l’impression de bonheur, les années COVID ont été le coup de massue avec ce fameux verre solitaire, et oui, le petit verre qui me servait de dive compagnie. Mais alors, pourquoi se précipiter au bar si l’on arrive pour partager une soirée ?

Merci au Saint Bernard et sa gnôle!

On me rétorque : détente du stress cumulé, désinhibition de timidité, effet euphorisant via la dopamine, l’hormone du plaisir, ou relaxant par impact de noradrénaline sur les émotions ou de sérotonine sur l’humeur et la douleur… Merci au Saint Bernard et sa gnôle ! Mais, il y a souvent le contrecoup qui impacte le voisinage immédiat : coma éthylique (commun à l’ère du binge drinking, l’excès), colère allant jusqu’à la violence, confiance allant au harcèlement.

D’Aristote à Flaubert, d’Alexandre à Churchill, quel ravage parmi les grands hommes mais l’OMS nous confirme qu’un mort sur 20 dans le monde est dû à l’alcool. Mais pourquoi donc la première réponse à ‘comment veux-tu mourir’ est, typiquement, ‘en bonne santé’. L’alcool est, comme nombre d’addictions, un suicide latent ; mais alors, qu’est-ce qui empêche l’être humain de chercher l’équilibre à l’heure de la malbouffe, de l’impatience, de l’agnosticisme ?

Il faut dire que les mauvaises habitudes sont dures à cuire, j’en ai fait l’expérience, j’ai lu des tonnes de précis à ce sujet, d’autant que l’on commence par vous seriner (lobby oblige) que deux verres par jour, c’est bon pour la santé ! Comme l’Everest, il me fallait aller par palier, baisser ma consommation d’abord, puis faire quatre jeûnes l’an, enfin prendre conscience de mon foie qui commençait à crier garde en titillant le stade F2, état heureusement réversible !

Souvenirs festifs subversifs

L’alcool dégrade aussi mémoire, motivation, récompense et contrôle, quatre fonctions clés de la vie quotidienne, d’où l’injonction connue : boire ou conduire, il faut choisir. Mais, toutes ces bouteilles collectionnées et ces souvenirs festifs sont subversifs : la dépendance est une plaie qui se creuse, suppure et devient de plus en plus difficile à guérir. Pulsion de mort et pulsion de vie combattent et, si l’on est sûr de la 1ère, abordons-la sereinement avec la 2nde !

Mon corps m’a donné les premiers signaux, ma tête m’engage à la raison et à la volonté, ma motivation, le motif commence à se préciser, chacun le sien. Pour moi, il s’agit de rompre avec ce qui mine mes racines que je ne peux renier mais dont je dois clarifier la sève, en la filtrant du sort infligé par la psychogénéalogie. Les ravages de l’alcool, je décide d’en arrêter le flux en montrant l’exemple et espérant ‘imitation, habitude, hérédité’ de ma descendance !

RV pour mes 80 ans

Transmettre l’addiction alors que je suis déjà six fois Grand-Père ? Non, garder le bon sens physique, psychologique et spirituel, alors que j’ai la forme, et continuer de scruter, purifier et fortifier la vie que j’ai et honore. L’autoguérison n’est pas le sujet car il ne faut pas prétendre à la perfection qui n’existe pas, mais développer la prise de conscience des bonnes choses sans s’ennuyer pour autant, et éliminer les conditionnements sociétaux qui nous enivrent !

Les intimes, dont mon épouse, et les proches, dont mon Saint Patron, Martin de Tours, ont été là pour m’accompagner et je les en remercie. Mais je leur demande de veiller au grain car il faut 14 ans pour qu’une addiction soit totalement éradiquée, deux cycles cellulaires de 7 ans afin que la mémoire spécifique s’y soit éteinte. L’épreuve nous apprend, la volonté nous engage, la résilience nous protège : vais-je oser vous donner RV pour mes 80 ans ?

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