Capitulation


Joseph Deiss peut rentrer au bercail avec le sentiment d’avoir rempli son mandat de commissionnaire zélé de gros exportateurs suisses et l’illusion de n’avoir pas trahi le monde agricole. Mais le compromis obtenu à Hong Kong en est-il bien un? Ne faut-il pas plutôt y voir une nouvelle victoire du «way of life» à l’américaine privilégiant la facilité et le rendement plutôt que la qualité de vie?
Chers puristes, il faudra vous y faire, dans huit ans – c’est vite là – le monde ne chantera plus seulement en anglais, il mangera aussi des haricots en boîte et du corned-beef au ketchup. En tout cas le délai supplémentaire obtenu par les Européens sur le dossier des subventions aux exportations agricoles fait sourire. 2010 ou 2013, quelle différence pour nos paysans, finalement?
L’accord signé en Asie n’est certes pas parvenu à imposer un plafonnement des droits de douane mais il n’en consacre pas moins un marché de dupes. Qu’ont finalement les pays les plus pauvres à gagner dans l’opération? On essaie de nous faire croire que le Sud a marqué un point important, alors que les Etats-Unis ne supprimeront même pas les soutiens internes octroyés à leurs cotonniers.
On peut d’ailleurs se demander pourquoi les pays les moins avancés, où les agriculteurs constituent la majorité de la population, s’évertuent à concourir au trophée de la nation la plus libre-échangiste, un jeu auquel les multinationales du Nord excellent. Ne serait-il pas mieux inspiré, le Sud, de changer de stratégie, en se battant au contraire pour protéger ses productions indigènes?
L’administration Bush, en revanche, a tout lieu d’être satisfaite. En 2007 arrive à terme la capacité pour le président américain de faire passer ses lois commerciales sans avoir à se soucier des amendements du Congrès. Hong Kong le relance dans la dialectique du bulldozer, même s’il devra aller très vite. Une autoroute s’ouvre désormais à la privatisation de la planète. L’eau, l’électricité, les écoles, la police et l’armée seront l’enjeu des prochaines négociations tant au niveau multilatéral – dans le cadre de l’OMC – que bilatéral, une approche que les grandes puissances semblent privilégier aujourd’hui en l’absence, hélas, de tout véritable débat démocratique.
Commentaire paru dans “La Liberté” du 19.12.2005

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