Chirurgien spécialiste lausannois des maladies de l’oreille et historien de la médecine, Albert Mudry est aussi passionné par la gastronomie et son histoire. Dans un essai biographique paru en 2020 aux Editions Favre, il rend hommage au cuisinier et érudit valaisan Joseph Favre. Extrait. Réd.
Qui est vraiment l’auteur du monumental et toujours mal apprécié “Dictionnaire universel de cuisine pratique” paru au tournant du XXe siècle?
Jean Joseph Bartélémi Favre, communément appelé Joseph Favre, est certainement né le 22 février 1844 et non 1849 comme habituellement mentionné. Les archives de la commune de Vex, sa commune d’origine, et de nombreux éléments de son itinéraire professionnel supportent cette affirmation. Ainsi il n’est pas orphelin jeune, mais à l’âge de 18 ans. Il ne s’est jamais inscrit officiellement comme étudiant à l’université de Genève dans les années 1870. En revanche il est un anarchiste convaincu et engagé pendant les mêmes années. Joseph Favre est véritablement un des hommes clés derrière la création des premières expositions culinaires et l’initiation des écoles de cuisine. A la fin de l’année 1883, il ne démissionne pas de son Académie de cuisine, mais seulement de son poste de secrétaire qu’il occupe dès sa fondation. Cette décision fait suite à de nombreux déboires et critiques reçues lors de la séparation en deux sociétés différentes, au début de l’année 1883, de la section parisienne de son Union universelle pour le progrès de l’art culinaire qu’il a initiée en 1878 avec son journal La science culinaire. Joseph Favre est bien sûr resté fidèle à la section de Paris qu’il considère comme la juste et qui respecte les statuts de l’Union. Il participe activement à la mise en place de sa nouvelle appellation d’Académie de cuisine. Avec cette décision, tout s’arrête sauf sa vie privée avec son mariage, la naissance de son fils Oreste et surtout l’écriture de la première édition de son dictionnaire qu’il a enfin le temps de corriger, de compléter et d’achever. Son retour officiel en 1888 à l’Académie de cuisine n’est qu’éphémère et peu actif si ce n’est la création de la rue Antoine Carême en 1894. Peu d’autres détails personnels existent concernant ses vingt dernières années de vie et sa descendance, si ce n’est qu’il est souffrant et qu’il travaille beaucoup à la correction de la deuxième édition de son dictionnaire. Il meurt dans l’anonymat le plus complet le 17 février 1903. Joseph Favre a toujours gardé la nationalité suisse même si certains auteurs ont tendance à le considérer comme français, ce que réfutent à nouveau les archives de Vex. Sa plus grande différence avec ses collègues est qu’il n’a jamais eu son propre restaurant.
Albert Mudry