On raconte que Dieu, lors de la Création, s’aperçut que les êtres vivants, sans exception, des insectes aux mammifères, du ver de terre à l’éléphant, pleuraient tous ensemble lorsque que l’un d’entre eux mourait. Un immense gémissement insoutenable, la Terre tremblait et Dieu dut changer d’avis.
En contemplant le monde, Dieu vit que chez les humains, par contre, lorsqu’un être décède, l’un rit, l’autre jubile du malheur d’autrui, un autre encore pleure. Il y en a aussi qui tendent la main ou murmurent des mots de réconfort : « Ne pleure pas, c’est le destin, nul n’y échappe. » Et même le cœur brisé, ils se taisent, patientent, supportent en silence, sans hurler comme des bêtes. Ils courent aux funérailles, songent déjà au lendemain, et reprennent le fil de la vie.
Alors Dieu murmura : « L’homme porte le chagrin avec une étrange aisance… » Et il retira le fardeau des bêtes pour le poser, une fois de plus, sur les épaules de l’homme. Désormais seul l’humain aurait des larmes face à la souffrance…
Cette chronique contient des nouvelles, aphorismes, histoires vraies et autres récits écrits entre l’âge de 15 et 35 ans sous la forme d’un journal par le journaliste et écrivain genevois d’origine kirghize, Zhenishbek Edigeev. Un premier tome des “Cahiers bleus” a été publié en 2022.