Force de vie (9) – Veiller

Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure ! On l’entend souvent pour faire référence à l’heure de notre mort. Cette phrase, issue des dires du Christ, pour les chrétiens, rappelle que nul ne connaît le jour où il reviendra ! Pulsion de mort pour la 1ère interprétation, pulsion de vie (éternelle) pour la 2ème, nul besoin de faire appel à Sigmund Freud qui parle de cette valse des opposés qui gère une partie de notre conscience humaine, tous les jours !

Dans les deux cas, le mot important est ‘veillez’, soyez vigilants avec votre vie, préparez ce qui est inéluctable : ‘life sucks and, then, you die’, nous dit l’humour américain (la vie est nulle et, puis, on meurt). Si je n’irai pas jusqu’à admettre une certaine forme d’absurdité, je veille à ce que ma vie en vaille la peine tout en m’assurant que je ne néglige pas la porte qui se rapproche ! Place à l’humour français : l’alcool tue lentement… on n’est pas pressé !

Un certain danger de vivre

Veillez, cela me rappelle les soubresauts que nous faisions en famille, 4 ans en expatriation tokyoïte, lorsque nous nous préparions au retour attendu du séisme qui frappa le 1/9/1923 la plaine du Kantō, dévastant de nombreuses villes dont Tokyo à 70 %. Qu’avions-nous au pied du lit : un kit de survie dans un sac à dos et un casque chacun, au cas où il faudrait évacuer ! Que ne vivent pas les villes bombardées encore aujourd’hui, à l’affût de la prochaine alarme.

Veiller, être éveillé, être sur ses gardes, attentif : doit-on contrer la ‘sur-veillance’ appliquée par nos états grâce à la technologie développée depuis 30 ans et qui nous contrôle de façon obsessionnelle ? Avant, on veillait un mort, on était veilleur de nuit, le tout s’appliquait à cette partie plus sombre de la vie. Aujourd’hui, on nous demande d’être constamment en veille de tout ce qui peut arriver ; on instruit la peur de jour, on insiste sur un ‘certain’ danger de vivre.

Le mur de la pudeur

Il y a le danger de ne pouvoir subvenir à ses besoins, d’autant que l’envie est démesurée et que le regard des autres nous pousse dans le cercle vicieux du paraître. On a exacerbé la veille de santé au point de forcer la vaccination contre la grippe au premier rhume de l’hiver. On nous impose une discrétion absolue dans tout commentaire qui manquerait à la dignité humaine des minorités quelles qu’elles soient, nous barricadant derrière le mur de la pudeur.

Veillez sur vos proches, surtout les enfants, et mettez-leur une puce dans le téléphone pour vous rassurer ou, plus vicieux, les espionner, comme le font les réseaux sociaux en sachant tout de votre vie. Ah, ne nous en faisons pas, Big Brother is watching you, nous rappelait le grand Orson Welles avec 1984! On est loin des promenades dans les bois, le nez au vent ! Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas, mais… il y est tout le temps.

Alors, veillez, oubliez le bon vieux sommeil des paysans qui se couchent avec les poules et se réveillent avec le coq, pour s’enchanter du soleil levant et se réchauffer avec sa chaleur! Veillez car on ne sait jamais… C’est à n’y rien comprendre car l’on nous serine aussi avec la version rassurante : n’ayez pas peur. N’est-on pas dans un monde d’agités, à la folie, qui sont tels des poules sans tête ? VUCA world : Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous !

Observez les handicapés de la vie

N’ayez pas peur, c’est vrai, veillez à ne pas vous laisser happer par les sollicitations du web, intrusives à souhait, veillez à ne pas tomber dans le FOMO mais à choisir vos occupations, veillez à ne pas subir les vicissitudes de la vie que sont le burnout ou la dépression, veillez à l’approche de la mort ou faites-vous veiller, alors et après, pour accompagner corps et âme. Prudence, précaution et prévention sont le PPP du bien-être pour soi, l’autre et alentour.

Trouver le juste milieu entre une peur justifiée et la veille organisée qui vous assure que le monde ne va pas vous tomber sur la tête. Si c’est le cas, observez les handicapés de la vie qui savent en profiter, envers et contre tout ! Veillez avec mesure mais rappelez-vous que la mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure, nous disait St Augustin. Quant à Saint François d’Assise, l’icône de l’homme moderne, il saluait tous ceux qui passaient avec ‘Pace e Bene’ !

©Martin de Waziers, Bruxelles

Veiller dans la nuit mais veiller le jour aussi ! Image DR

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