PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Scandale. Ce terme totalement galvaudé, tant il est utilisé à tort et à travers, mérite pleinement son utilisation dans ce qu’il convient de nommer l’affaire de la gare de Lausanne. Un chantier de dix ans, bloqué en raison d’une bisbille entre les CFF et leur « patron », l’Office fédéral des transports, l’OFT. Autant dire que deux générations de Lausannois, au moins, vont pâtir du gâchis.
Devançant la presse locale, étonnamment discrète pour l’instant, la RTS presse sur la gachette. «A l’origine de ce blocage, des charges, autrement dit des améliorations techniques, exigées par l’OFT. Elles étaient au nombre de 200 lors de l’entrée en force du permis de construire en juin 2019. Ces points d’accroche concernent notamment deux phases cruciales des travaux: l’élargissement des quais et la construction des trois passages sous-voies. Ceux-ci permettront des connexions avec le métro M2 et la future ligne du métro M3. Problème: il reste actuellement une centaine de charges à lever. »
On se réjouit de voir comment les CFF vont dénouer le problème gordien. Particulièrement irritante, pour ne pas dire inquiétante, est la violation des engagements tenus au début de l’année. Durant l’automne 2021, l’OFT recommandait le report du début du chantier pour des questions de sécurité des passagers, provoquant l’ire du canton de Vaud et de la ville de Lausanne. La ministre Gorrite et la municipale Litzistorf chevauchaient ensemble trois par trois les marches de l’indignation pour réclamer l’ouverture du chantier. En février dernier, tout semblait rentré dans l’ordre, CFF et OFT promettaient, la main sur le cœur, de respecter le planning prévu.
En forçant le destin, les CFF ont-ils mis la charrue avant les boeufs? Malgré son coût estimé à 1,3 milliard de francs, le chantier de la gare n’a jamais ému outre mesure le monde politique, il faut le dire. La régie des transports a-t-elle eu dès lors les yeux plus grands que le ventre? A Lausanne comme dans d’autres cités de Suisse, les CFF sont les rois de l’immobilier. Au centre-ville, la construction du Musée des Beaux-Arts à l’emplacement des anciennes halles aux locomotives avait déjà marqué l’avènement d’un chambardement urbanistique dantesque. Aujourd’hui, les va-et-vient des grues et pelleteuses se succèdent, des allées d’arbres sont sacrifiées, des immeubles sociaux abattus. Les habitants du quartier et la clientèle des cafés environnants subissent le bruit assourdissant et la poussière.
Alors que le martyre de l’un des emplacements les plus fréquentés de la métropole vaudoise ne semble plus connaître de fin, la population en est à attendre désormais que les protagonistes du désastre cessent de se crêper le chignon. Disons-le sans détour: dans un pays qui tire gloire, avec l’EPFL, de sa compétence technologique, ce maelström est une honte.

Né il y a plus d’un demi siècle à Lausanne je connais la gare de Lausanne et ses horribles passages souterrains comme un paysage lunaire depuis toute ma vie. C’est la gare la plus mal foutue de Suisse. Aucune interface ne fonctionne : les piétons se faufilent depuis des décennies comme ils peuvent, les taxis râlent constamment, les bus de la gare s’arrêtent bientôt à Montbenon, la gare a brûlé deux fois pendant les chantiers mal gérés causant à deux reprises des retards nationaux, avec ses aiguillages usés et jamais remplacés les trains de marchandises chimiques y jouent au mikado avec risque d’intoxication de tout le centre, il y a même eu une inondation ! Du jamais vu au niveau mondial, eh oui. Votre article est donc excellent. Pour l’image de marque des acteurs, y compris la ville, c’est ultra-dégradant. Dans cette sous-dictature, celle ou celui qui propose un avis ou de l’aide est évincé immédiatement – il ne reste plus que la foi qui peut sauver ce Titanic vaudois. Prions.
Merci pour votre éclairage supplémentaire très complet. Les responsables de cette gabegie agissent dans l’impunité, c’est ce qui choque. Les politiques brillent par leur silence, la presse locale aussi. Un jour ils finiront bien par se réveiller.
Eh oui. La question pour paraphraser un film comique connu est ‘Y a-t-il une Electrice (ou un Electeur) dans l’Avion ?’
Je ne crois pas que les élections sont truquées en Suisse (bien que le vote par correspondance – disons – ‘prenne l’eau’, également noté par des centres de recherches politiques, d’Olten notamment), je crois plutôt que les votant-e-s ont une mémoire de poissons. Encore trois semaines de canicule et le (la ?) covid sera oublié. Ensuite quelques coupures d’électricité et la canicule sera oubliée … alors une gare, pour trois migrant-es-s, cinq pendulaires et des écolos qui n’achètent pas de Tesla, on peut se la mettre …
La gare de Lausanne et son chantier inadapté vont de mal en pis : cette semaine de grosses pannes. Bref, aucune correction des observations lucides de vos deux articles. Inquiétant.
11 octobre 2022 : patatras !
Seule infoméduse a diffusé un vrai avis de tempête, bravo.